sábado, 24 de agosto de 2013

LES LIMITES DE LA DIPLOMATIE PAR TWITTER

CHRISTOPHER R. HILL

DENVER – La gouvernance américaine du XXe siècle a produit les Dean Acheson, Henry Kissinger, Richard Holbrooke et les nombreux autres diplomates qui ont cherché à équilibrer la puissance des Etats-Unis et leur responsabilité dans le développement de relations essentielles, la résolution de problèmes et la mise en place d’institutions internationales. La gouvernance du XXI e siècle, nous dit-on sans cesse, aura une plus grande portée et donnera plus de résultats, parce que les diplomates américains – et ceux d’autres pays – peuvent aujourd’hui utiliser Twitter, Facebook et d’autres réseaux sociaux.
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Illustration by Paul Lachine
Compte tenu de l’ampleur des problèmes internationaux actuels, la diplomatie se doit d’associer l’ancienne action de l’État du XX e siècle aux nouveaux outils que fournissent les technologies naissantes. Mais les outils seuls ne peuvent rien résoudre ou construire.
Et pourtant, ces nouveaux outils sont omniprésents. Il est rare de trouver un ambassadeur américain, dans quelque partie du monde que ce soit, qui n’ait pas relevé le défi de la maîtrise de ces technologies de la communication. La plupart d’entre eux ont un compte Twitter ou Facebook, ou publient des messages sur YouTube, de façon à informer le public des pays où ils sont en poste (et le public américain) de leurs activités quotidiennes, voir de leur avis sur une question donnée ou de leur humeur. Le département d’État américain estime que ses employés sont en communication directe avec plus de 15 millions de personnes dans le monde. De manière assez incroyable, plus de 330.000 personnes « aiment » la page Facebook impersonnelle du département.
Cette génération de diplomates américains surmonte rapidement la réputation qu’avaient les ambassadeurs d’être des personnes hautaines et réservées. Il faut avouer qu’autrefois, rares étaient les occasions pour un ambassadeur d’entrer en contact avec la population du pays hôte, à l’exception des quelques interviews dans un journal ou à la télévision, la photo d’une rencontre avec un responsable du pays ou de l’arrivée à l’aéroport d’un émissaire de Washington. Aujourd’hui, comme le démontrent les diplomates qui twittent, les occasions de faire connaître leur action sont légions.
Les contraintes temporelles ne sont plus un problème. La plupart des ambassades américaines émettent un flot constant de tweets, grâce aux fonctionnaires de la mission diplomatique chargés de relayer jour par jour, voire heure par heure, ce que fait l’ambassadeur. Plusieurs d’entre eux ont une masse de fans et de followers et leur routine quotidienne de réunions et de cérémonies d’inauguration est appréciée par de nombreux « aime » et retweets. Bref, que des activités récréatives.
Mais les réseaux sociaux ont-ils vraiment permis aux diplomates de s’améliorer ou contribué à résoudre des problèmes épineux ?  Si c’était le cas, pourquoi tant de crises profondes, sans médiation, sévissent-elles dans le monde – la guerre civile en Syrie, les massacres en Égypte et la dégradation des relations entre les Etats-Unis et la Russie, pour n’en nommer que quelques-unes ? Il semble que la gouvernance du XXI e siècle, tant vantée, ne soit pas vraiment à la hauteur.
Les tenants des réseaux sociaux soulignent à juste titre que ce sont des outils que l’on ignore à ses risques et périls. Il est toutefois nécessaire de comprendre rapidement que la diplomatie ne consiste pas en gesticulations et en communications avec le grand public. Elle consiste à cultiver des relations. Et surtout, elle implique de garder la porte ouverte pour traiter avec des gouvernements peu fréquentables.
Les gouvernements, même les pires, sont composés de personnes qui dirigent le pays. Ils ne devraient peut-être pas être au pouvoir, ce serait peut-être ceux qui manifestent dans la rue qui devraient l’être. Mais aujourd’hui et maintenant, ces relations doivent être maintenues pour aider des sociétés polarisées à surmonter leurs divisions.
L’ambassadrice des Etats-Unis en Égypte, Anne W. Patterson, a été violemment critiquée par les médias – et les réseaux sociaux en particulier, qui n’ont pas de frontières (et souvent pas de manières) –  pour ses tentatives courageuses de maintenir  un dialogue avec le gouvernement des Frères musulmans. Elle a fait ce que tout bon, et dans son cas, excellent, diplomate doit faire : préserver les relations avec les deux parties et tenter de trouver une issue à la situation. En fait, tant le gouvernement islamique que l’opposition laïque se sont plaints de la relation que les Etats-Unis entretenaient avec l’autre partie.
C’est dans cette situation, sur la sellette, que doit se trouver la diplomatie américaine. Avec tout le respect que l’on doit à la diplomatie numérique, ce genre de communication traditionnelle et privée reste le cœur et l’âme des relations diplomatiques.
De même, le secrétaire d’État John Kerry a fait un geste courageux pour relancer le processus de paix israélo-palestinien. Au vu du peu d’informations transmises au public concernant sa stratégie, il est assez évident qu’il n’est pas adepte de la gouvernance du XXI e siècle – c’est-à-dire qu’il ne pense pas à haute voix. Il a pourtant réussi à réunir les deux parties en développant la confiance, ce qui est la marque, en monnaie sonnante et trébuchante, d’un vrai diplomate.
Il serait peut-être injuste de comparer ces efforts à l’action américaine concernant la Syrie. Pour tenter d’anticiper les vives attentes des médias (et reflétant l’idée erronée que la situation syrienne était analogue à celle de la Tunisie), l’administration du président Barack Obama a de fait rompu les relations avec le régime de Bachar el-Assad en appuyant une opposition disparate et en demandant le départ immédiat du président syrien.
Le département d’État américain n’a pas donné d’indication claire concernant l’issue qu’il attendait de ce choix, à part une sorte de processus électoral, qui dans un conflit aussi sectaire que celui de la Syrie ne serait guère plus qu’un recensement élaboré. Mais voilà, les dirigeants politiques, en particulier les despotes aussi cruels et acharnés que Assad, ont tendance à ne pas adhérer à un processus dont l’objectif déclaré est de les éliminer.
Les diplomates américains – et de tous les pays – devraient peut-être songer qu’au lieu d’accumuler un nombre aussi élevé que possible de « followers »  des réseaux sociaux, ils devraient établir la confiance de toutes les parties des sociétés menacées par les conflits et rechercher des dirigeants prêts à parier sur la paix. Lorsque les armes se seront tues et que les négociations seront engagées, les diplomates pourront twitter tout leur content.
Traduit de l’anglais par Julia Gallin



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